Village d'insertion et cochon d'Inde

Ne vous y méprenez pas, ce n'est pas l'origine indienne des Rroms qui explique le titre de ce message. C'est l'origine erronée des cochons d'Inde, qui en fait ne sont pas des cochons. Les villages d'insertion, c'est un peu la même chose: tout comme les cochons d'Inde ne sont ni cochons, ni d'Inde, les villages d'insertion aussi, ne sont ni villages, ni d'insertion. Pourquoi?

1. Sauf pour ceux qui ont voyagé dans des pays en guerre, avez-vous déjà vu des villages entourés de tôle avec un maître chien à l'entrée, qui vous empêche d'y accéder? Eh bien, les "villages d'insertion des Roms", comme leurs gestionnaires les appellent, sont fermés et si vous essayez d'entrer, les premiers êtres que vous y verrez ce sont le gardien et son berger allemand. Et ceux-ci risquent de rester les seuls êtres vivants que vous y verrez, car vous ne pouvez pas y entrer. Même les membres de la famille des habitants ne peuvent y entrer. Ainsi, une grand-mère qui a été placée dans un tel village, doit sortir dans la rue pour voir son petit-fils, qu'il pleuve ou qu'il fasse soleil, et elle ne peut pas lui montrer comment elle fait sa cuisine. Est-ce qu'un village c'est comme ça?

2. Ce sont des "villages d'insertion". Est-ce peut-être pour cette raison qu'on empêche des gens d'y entrer? Au-delà de ça, avez-vous vu des gens s'insérer sans pouvoir travailler? Les Rroms qu'on parque dans ces camps (ils ressemblent en effet plus à des camps qu'à des villages) sont originaires de Roumanie et de Bulgarie. Selon la législation en vigueur, pour pouvoir travailler ils doivent obtenir à la préfecture une autorisation de travail. Les préfectures sont bien partie-prenantes dans ces projets de "villages d'insertion", mais elles ne délivrent pas d'autorisations de travail, sauf dans les conditions drastiques établies par une circulaire de décembre 2006, qui rendent l'obtention de celle-ci quasi impossible.

Les gestionnaires de ces camps ce sont des associations bien téméraires pour tenir le discours qu'elles tiennent. A titre d'exemple, l'un des représentants de "Coup de main" se disait surpris de voir que "les Rroms se comportent comme n'importe quelle population". "Pact Arim", prétend que le fait pour les familles de payer un loyer est un pas vers leur insertion. Vous aurez compris, on responsabilise des irresponsables. Payer un loyer, soit, mais avec quel argent, lorsqu'on ne peut pas travailler légalement? Avec de l'argent gagné par du travail illégal, voire pire. Et tout ça, sous l'oeil vigilant d'un Etat qui stigmatise le travail au noir.

Voilà, en quelques mots, la réalité des "villages d'insertion". Vous choisirez la version des faits qui vous semble correspondre le plus à la réalité. Et si vous voulez dénoncer cette pratique, rejoignez notre campagne sur facebook!



mardi 19 novembre 2013

Le "village d'insertion" de Saint-Ouen expulsé?

Demain mercredi 20 novembre à 9 heures le Tribunal de grande instance de Bobigny jugera la demande d’expulsion formulée par l’aménageur public Séquano contre les familles rroms du village d’insertion à Saint-Ouen. Les familles ont assigné la ville de Saint-Ouen à ce procès. Elles estiment devoir être relogées par la ville en cas d'expulsion. Entre autres, ces familles vivent sans électricité depuis le 26 juillet, lorsque le courant a été coupé par l’ALJ 93, ancien gestionnaire du « village ». Sollicitée pour le rétablir, la ville a toujours fait la sourde oreille et semble attendre impatiemment leur expulsion.

Récemment, Mme. Jacqueline Rouillan, maire Front de Gauche de la ville de Saint-Ouen, s’est illustrée en interpellant le ministre de l’Intérieur afin qu’il expulse rapidement un grand bidonville des Rroms installés sur sa ville. Entre autres, la ville de Saint-Ouen se prévalait de son « village d’insertion », comme un exemple positif incarnant sa volonté politique et son effort pour l’intégration des Rroms, volonté et effort pas assez partagés par d’autres communes.

Or, le 15 juillet dernier, la police municipale demandait aux 8 familles restantes sur le « village d’insertion » abandonné par l’ALJ 93 de partir d’eux-mêmes avant que le lendemain elles ne soient expulsées par la force. Les familles sont restées.  Les associations La voix des Rroms et Rromeurope ont proposé aux représentants de la ville de continuer et de mener à bien le travail qui avait été mal fait par les gestionnaires depuis cinq ans. La mairie n’a pas donné suite à cette proposition.

Le 26 juillet, l’électricité sur le site a été coupée, puisque le gestionnaire du village (ALJ93) avait résilié le contrat EDF. Les familles ont souhaité la rétablir et régler les factures, mais s’agissant d’un réseau spécial (en pleine zone industrielle), les gestionnaires du réseau électrique ont exigé l’intervention de la mairie. Sollicitée régulièrement, celle-ci continue à faire la sourde oreille. Depuis presque quatre mois, ces huit familles vivent donc sans électricité.

Assignées en justice par le nouveau propriétaire du site, l’aménageur public Séquano, les familles ont à leur tour assigné la mairie, qui en vertu d’une convention passée avec le gestionnaire du défunt village d’insertion, ALJ 93, doit prendre le relais dans leur accompagnement vers l’insertion. L’audience aura lieu ce mercredi 20 novembre au Tribunal de Grande Instance de Bobigny. 

Il est bien loin le temps de la tromperie:


Après le Bidonville... par prise-directe

mardi 8 octobre 2013

La voix des Rroms alerte l'ONU

La Voix des Rroms a reçu le Représentant Régional pour l’Europe du Commissaire aux Droits de l’Homme de l’ONU. Dans les prochains jours, elle entend saisir le Rapporteur Spécial de l’ONU pour les formes contemporaines du racisme, en lui demandant de faire un appel urgent envers la France.

Le  10 Septembre dernier, les membres de La Voix des Rroms, en partenariat avec le Réseau Européen des Organisations rroms, dit ERGO, recevait le Représentant Régional pour l’Europe du Haut Commissaire aux Droits de l’Homme de l’ONU, M. Jan Jarab.

M. Jarab rencontrait également la veille le préfet Alain Regnier, (Délégué interministériel à l’hébergement et à l’accès au logement des personnes sans abri ou mal logés), ainsi que le Défenseur des Droits, M. Dominique Baudis, afin de mesurer les efforts entrepris par le gouvernement français en vue de « l’intégration » des Rroms migrants vivant en bidonville.

Le 9 septembre, la Haut Commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU, Navanethem Pillay, a exprimé ses soucis concernant la politique des évacuations forcées dans son discours au Conseil des Droits de l’Homme à Genève. Elle a également évoqué les résultats du rapport du Défenseur des Droits sur la mise en œuvre de la circulaire du Gouvernement d’aout 2012 (concernant les évacuations forcées), invitant le Gouvernement de suivre les recommandations du Défenseur.

L‘équipe de La Voix des Rroms a ainsi conduit un jour durant M. Jarab vers plusieurs sites où l’association s’engage pour des Rroms migrants en région parisienne.


IVRY : le courage des solutions pratiques

Le premier site fut Ivry, dans le 94, ou l’association de travailleurs sociaux engagés et bénévoles R.A.C.E.D, partenaire de La Voix des Rroms, construit, contre vents et marées, et surtout contre l’adversité des autorités municipales et préfectorales, des solutions de vie pratiques et pragmatiques, avec un groupe de Rroms et non-Rroms migrants de Roumanie.  Il s’agit en effet là-bas d’un large terrain situé en arrière de la cité populaire Gagarine, où les militants bénévoles ont construit depuis plusieurs années un lien de fraternité avec l’ensemble des populations. Ainsi, auto-structuré par ses propres habitants avec l’assistance amicale des militants le site comprend des habitations auto-construites, un lieu de culte et une salle polyvalente à vocation culturelle. 

Les habitants de la rue Truillot à Ivry discutent avec Jan Jarab

Afin d’anticiper la possibilité d’une destruction prochaine par les autorités publiques de ce qui a été entrepris et construit, les hommes et femmes de RACED ont pris possession d’un immeuble inoccupé de la commune où vivent désormais Rroms et non-Rroms, Français et étrangers, adultes et enfants. Ici, les habitants, ainsi que les militants ont pu longuement échanger avec M. Jarab qui les a écoutés avec intérêt, en tirant de ces échanges des renseignements précis sur la réalité de la situation.

Les membres de lassociation R.A.C.E.D, partenaire de La voix des Rroms, expliquent à M. Jarab le fonctionnement de limmeuble occupé

Saint-Ouen : le « village d’exclusion »

Puis ce fût Saint-Ouen, et ce qu’il reste du pseudo « village d’insertion » de la Rue de Clichy. Là en pleine zone de friches, isolés de toute vie urbaine et sociale par des hectares de terrains vagues clôturés, et dans le voisinage de la plus grande usine d’incinération de déchets du département, des femmes, des hommes et des enfants ont décidé de rester dans les caravanes et bungalows, d’où la Municipalité leur avait donné l’ordre de partir, après qu’elle n’ait pas renouvelé le contrat qui la liait à l’entreprise d’insertion qui gérait de la vie des gens.
En effet après cinq ans de gestion grotesque, soumettant les hommes et les femmes à une réglementation qui ressemble à l’assignation à résidence ou au semi-internement, le gestionnaire, qui ne s’est pas vu renouveler les fonds, a mis la clef sous la porte, et les autorités entrepris d’obtenir de la justice qu’elle force les hommes et les femmes à quitter sur le champ leur semblant de maison pour retourner aux hasards de la rue.

Les membres des associations La voix des Rroms et Rromeurope ainsi que des habitants, décrivent à M. Jarab la situation au « village d’insertion »

Là, nos partenaires de l’association  RROMEUROPE, qui sont intervenus avec La voix des Rroms pour empêcher la lâche opération des décideurs, ont pu également s’entretenir avec M. Jarab.
Afin de forcer les hommes, les femmes et les enfants à quitter leur habitation, les autorités ont coupé l’électricité sur le site. Ainsi à l’entrée prochaine de l’hiver, ils sont sans chauffage ni lumière, ce qui inquiète particulièrement les mères quant à la santé et au suivi de la scolarité de leurs enfants.


Saint-Denis : le camp ADOMA du Fort de l’Est.

Les membres de la Voix des Rroms ont conduit M. Jarab ensuite au pseudo- « village d’insertion » du « Fort de l’Est » administré par l’ancienne SONACOTRA (Adoma) sur un site propriété du Ministère de la Défense situé sous les remparts du camp d’entraînement militaire dit Fort de l’Est à Saint-Denis.
Peu auparavant, ce site avait été visité, sous la conduite des gestionnaires eux-mêmes et des autorités locales, par M. Laszlo Andor, Commissaire Européen. Les membres de La Voix des Rroms ont contesté le rapport positif fait par M. Andor.
Là, le délégué régional pour l’Europe du Commissaire au Droits de l’Homme a pu vérifier par lui-même les descriptions faites par  La Voix des Rroms. Accompagné entre autres par un jeune membre de l’association résident du dit dispositif, M. Jarab s’en est vu refuser l’accès par les gardiens au prétexte que : « ici c’est chez Adoma », et que en vertu de sa réglementation autoritaire, nul autre que les « hébergés » n’était autorisé à pénétrer dans l’enceinte.


Saint-Denis : le Hanul, l’attente d’un avenir

Avant de reprendre le train pour Bruxelles, M. Jarab a visité le site dit « terrain Voltaire » où sont installés les hommes et les femmes qui occupaient jusqu’en 2010 le quartier du « Hanul ».
L’expulsion du Hanul à l’été 2010 a marqué la première opération très spectaculaire et très médiatisée de la séquence politico-médiatique, dite l’ « expulsion des Rroms par Nicolas Sarkozy », qui avait immédiatement succédé au Discours de Grenoble. Opération hypocrite et indigne contre laquelle l’ensemble de la classe politique de gauche s’était entièrement levée de concert avec la Commissaire aux  Droits de l’Homme de la Commission Européenne, Viviane Reding, les instances du Vatican, et déjà l'ONU (Le Comité contre la Discrimination Raciale – CERD).

Dans ce contexte, La Voix des Rroms était parvenue à convaincre les autorités locales, opposées à la politique du gouvernement d’exprimer par les faits et pour l’exemple cette opposition en protégeant les hommes, les femmes et les enfants du Hanul, de la rue. Un terrain fût alors mis à disposition par la mairie, puis un second, puis un troisième, ce dernier fourni par l’Etat grâce à l’action de la ville de Saint-Denis et de la Communauté « Plaine Commune ».
Trois ans après, ce projet est en suspens, les hommes et les femmes vivent cependant protégés des expulsions.

Jan Jarab a remarqué qu’ « il semble qu’il y avait là la base pour construire un travail social et politique nouveau, visant une vraie insertion dans la société, dans les emplois normales, le logement normal». 

Ne manque pour cela qu’un nombre de forces vives elles-mêmes dégagées des préjugés et des vielles méthodes qui ont jusqu’ici conduit les actions politiques les moins mal intentionnées, ainsi qu’une véritable volonté politique, c’est-à-dire du courage.


Conclusion :

Le 27 septembre dernier, Jan Jarab était de retour à Paris, pour participer, à l’Assemblée Nationale, à une journée organisée par la DIHAL et le préfet Alain Regnier, en présence du Défenseur des Droits Dominique Baudis. Cette journée visait à faire « le bilan de l’application de la circulaire du 26 Août 2012, concernant l’accompagnement de l’évacuation des campements illicites ».

Dans son discours pendant la journée, M. Jarab faisait remarquer alors qu’il est « inacceptable de dire que les Roms ne sont pas capables de l’intégration, quand on ne les a pas donné une vrai opportunité de s’intégrer. Je ne pense pas que les Roms préfèrent vivre dans un bidonville et collectionner les déchets s’ils ont l’opportunité d’avoir un logement normal et un travail normal.”

A la fin de cette journée qui rassemblait acteurs institutionnels et membres de la société civile, tous ont pu constater l’absence de résultat quant à l’action entreprise à l’initiative du premier ministre Jean-Marc Ayrault. La situation sur le terrain s'aggrave du fait de la politique d’évacuations de masse conduite par le ministre de l’Intérieur dans le plus grand mépris de la circulaire qu’il a aussi signée et dans le mépris de ses collègues du gouvernement et de son supérieur hiérarchique immédiat M. Jean Marc Ayrault.
Cette journée du 27 septembre s’est tenue par ailleurs dans un contexte d’une nouvelle poussée hystérique  d’antitziganisme au sein de la classe politique, largement provoquée par le Ministre de l’Intérieur, entretenue et excitée par l’ensemble des médias de masse, et diffusée ainsi, à la façon d’un poison dans l’ensemble de l’imaginaire public.
Que l’instrumentalisation du racisme antitzigane par la classe politique affaiblisse ou renforce les partis d’extrême droite  n’est pas une question.

L’instrumentalisation du racisme dégrade l’ensemble de la société française en faisant croître en son sein l’ignorance et la haine. L’instrumentalisation du racisme éloigne ceux qui gouvernent de leur mission fondamentale qui est, dans une période de difficultés économiques et sociales, de maintenir la cohésion entre tous et d’assurer à chacun les droits humains fondamentaux que sont l’accès au logement, à l’éducation des enfants, au travail, et à la santé pour tous.


La Voix des Rroms attend du système international de protection des droits de l’Homme une  pression constante, suivant ses moyens, en direction de la classe dirigeante de la République Française, afin que cesse dans les plus brefs délais le mécanisme d’exclusion radicale, d’un groupe racialement caractérisé, de la sphère des droits humains sur le territoire de France.

Dans les prochains jours, La Voix des Rroms entend donc saisir le Rapporteur Spécial de l’ONU pour les formes contemporaines du racisme, en lui demandant de faire un appel urgent envers la France.

La classe dirigeante française doit  se ressaisir et s’occuper de sa mission fondamentale : intégrer chacun aux droits humains universels, quelle que soit sa race, sa religion ou son genre. 


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mardi 16 juillet 2013

Saint-Ouen : les vendeurs d’insertion partis, le progrès peut commencer

Le « village d’insertion » de Saint-Ouen avait ouvert ses portes en 2008 pour qu’elles enferment, avec les murs entourant ce terrain de la zone des docks, une réalité qu’on ne saurait montrer au grand jour. Seulement, les vivres étant coupés, le gestionnaire de ce « village » association logement jeunes (ALJ) 93 a cessé son activité. Pas grand monde pour pleurer sur cela, tant ces cinq ans ont été un véritable test à la flexibilité de l’échine des « pris en charge », soit 19 familles. Au bout de cinq ans donc, avec des financements conséquents dont 75% sont alloués à la surveillance et au gardiennage (dans les prisons, ce poste budgétaire représente environ 37% seulement du budget), la matière première que sont les Rroms est abandonnée est invitée à quitter les lieux. Le comité de pilotage avait prévenu à plusieurs reprises depuis la fin 2012 de cette fermeture.
Le bilan laisse songeur : 4 familles seulement sur 19 ont pu trouver une vie autonome. Quatre autres ont été transférées dans le « village d’insertion » d’Aubervilliers, géré lui aussi par la même ALJ 93. Quatre autres ont été virées pendant le projet, pour des raisons que nous ne connaissons pas de manière précise, mais dont on peut supposer qu’elles aient eu un lien avec le respect des règles drastiques de ce centre fermé (on ne pouvait pas y recevoir de la visite p. ex., y compris de sa famille proche). Enfin, sept familles devaient avoir quitté les lieux jusqu’à ce mardi 16 juillet, sous la menace d’une intervention de la police pour les déloger.

Des membres des associations La voix des Rroms, Rromeurope et Terne Roma se sont rendus sur place depuis hier et certains y sont restés jusqu’à aujourd’hui après-midi. La demande de Mme. Marie-Louise Mouket de virer le président de La voix des Rroms n’a pas été exécutée par le gardien, employé d’une entreprise privée qui a répondu clairement qu’il ne gardait pas une prison et que les habitants pouvaient recevoir les personnes qu’ils voulaient. Sans doute Mme. Mouket se croyait-elle avec les vigiles employés par l’ALJ, qui exécutaient à la lettre les règles drastiques de ce centre fermé comme les ordres du pouvoir hiérarchique qu’elle avait sur eux. Les agents de la police municipale arrivés quelques minutes plus tard, apparemment à sa demande, n’ont pas fait plus qu’annoncer une énième fois l’expulsion du lendemain. Raté ça aussi, car en tant que policiers municipaux ils ne peuvent intervenir que pour des infractions au code de la route ou aux arrêtés municipaux. Aujourd’hui, une autre patrouille est repassée pour constater avec surprise que la police nationale n’était pas intervenue non plus pour expulser les occupants. Mme. Mouket avit reçu aussi deux représentants de la ville en fin de matinée, dont le directeur général adjoint M. Mario Salvi, sans qu’il y ait de discussion avec les occupants, quelque peu en colère de cette pression.


Cet après-midi, M. Mario Salvi est revenu en compagnie de M. Attal, lui aussi employé de la ville, pour constater encore une fois la détermination des habitants dont les rapports des « spécialistes de l’insertion » de l’ALJ disent qu’ils n’ont « pas répondu aux critères de volonté d’intégration ». Pourtant, tous les enfants, scolarisés, parlent un français parfait, et une majorité d’adultes ont une maîtrise satisfaisante de cette langue. Beaucoup ont déjà des autorisations provisoires de séjour, certains ont des contrats de travail (dont un CDI, cette vieille chose qu’on ne voit plus souvent), et deux ont créé des petites entreprises. L’un d’entre eux a déclaré aux représentants de la ville qu’il s’était vu déchirer le K-bis par les « accompagnateurs » qui le « prenaient en charge », sous prétexte que cela n’était « pas intéressant » pour lui. Et des exemples similaires de bon « accompagnement » il y en a eu d’autres. Il ressortait de ces échanges que si la réussite du projet n’est pas au rendez-vous, ce n’est certainement pas faute d’efforts des « accompagnés », mais plutôt faute de volonté réelle de l’ « accompagnant ». Quoi qu’il en soit, les représentants des associations Rromeurope et La voix des Rroms ont exprimé leur souhait de remettre tout à plat et de partir sur de nouvelles bases pour que ces 7 familles réussissent leur parcours. Si l’objectif est partagé par la ville de Saint-Ouen, elle demande que l’Etat soit impliqué dans cette démarche. Logique, et pas exclusif de l’implication de la ville aussi. Il est vrai, cinq ans sont passés sans grand résultat, mais ce n’est pas une surprise. C’est la méthode qu’il faut changer, et fondamentalement. Ces familles ne doivent plus être considérées comme des objets d’une action sociale, mais comme des actrices de leur propre vie, de leur propre progrès. En un mot, se prendre en charge pleinement dans la mesure de leurs moyens, qui ne doivent pas être étouffés, mais étoffés par les efforts de la ville, de l’Etat et de tous ceux qui le peuvent. Le propriétaire du terrain (la société Sequano) aurait entamé une procédure en justice pour obtenir l’expulsion des familles, selon les représentants de la ville de Saint-Ouen. Procédure que les habitants devraient affronter et dans laquelle nous les appuierons dans toute la mesure du possible. Reste cependant que si une expulsion devait avoir lieu, la ville ou l’Etat devraient mettre à disposition d’autres terrains ou immeubles pour loger ces familles et dans tous les cas, un vrai travail commun et basé sur le respect de tous. Les vendeurs d’insertion partis, le progrès peut désormais commencer. La balle est revenue dans le camps des autorités. 

samedi 13 octobre 2012

Lille métropole, l'indispensable changement


La voix du Nord fait un rapide compte rendu du Conseil de la communauté urbaine Lille métropole. Selon le journal, la présidente Martine Aubry, a réaffirmé la position de Lille métropôle: "humanité et fermeté". En 2010 avec Hortefeux c'était le même discours. Il est notoire qu'il n'y avait alors pas d'excès d'humanité, pas plus qu'aujourd'hui. Quant à la fermeté, force est de constater qu'elle est allée croissant depuis 2010.

"La France n'est pas un terrain vague", - avait dit Hortefeux en 2010, reprenant ainsi une phrase de Charles Maurras. Deux ans plus tard et à une autre échelle, celle de Lille métropole, Martine Aubry, citée par La voix du Nord dit: « Il n'y a aucune fatalité à subir ce sujet ». Il y aurait dans Lille métropole 3000 Rroms (nous ajoutons "précaires", car des Rroms tout court il y en a évidemment plus que ça). D'après les discussions du conseil, la moitié d'entre eux, serait de trop, la communauté urbaine ne pouvant en accueillir dans des "conditions convenables" que 1500. Et les "conditions convenables" seraient celles des "villages d'insertion", décriés à juste titre par à peu près tous ceux qui les connaissent. Effectivement, ceux-ci coûtent cher, car ils traitent les Rroms comme des cas sociaux difficilement insérables et qu'ils mettent en place un contrôle social insupportable qui coûte trop cher.

Nos expériences montrent qu'une autre méthode de travail AVEC les Rroms au lieu d'un travail SUR les Rroms permet, avec les mêmes moyens financiers l'accompagnement de 6 à 10 fois plus de personnes. Rapporté au cas de Lille métropole donc, et en faisant une évaluation plus qu'à minima, il faudrait la moitié de l'effort financier pour englober tous les Rroms présents. Mais il y a au moins deux conditions pour cela:

1. Accepter de traiter réellement la question et non pas de la manipuler dans des jeux politiciens. C'est plus difficile, mais cela éviterait un discours qui, mené au bout de sa logique amène au pire. Car, s'il y en a trop, que faire des surnuméraires, surtout lorsqu'on les décrit comme un "sujet subi"??? Cysoing et Marseille donnent des exemples inquiétants...

 2. Sortir des cases toutes faites et des sentiers battus pour explorer d'autres voies, dans lesquelles on engagerait directement les Rroms dans le besoin. Là encore, c'est difficile de changer de regard, mais il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis face à la nécessité de le faire, et cette nécessité est là, bien présente et bien claire.

 Lille métropole est-elle prête à ce double changement?


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lundi 12 juillet 2010

L'efficacité des villages d'insertion pour Rroms

On vous l'avait dit... Et quelle tristesse que de voir qu'on avait raison! Le Hanul, quartier de Saint-Denis qui existe depuis 10 ans, qui faisait l'objet d'une convention avec la mairie depuis 7 ans, a été rasé. Ses habitants et leurs amis ont été éjectés de force par les CRS le mardi 6 juillet 2010. Le Hanul était cité en exemple dans le rapport du Commissaire aux Droits de l'Homme du Conseil de l'Europe en 2003. Il sera très vraisemblablement cité encore en exemple par cette instance et d'autres, mais désormais certainement pas en tant que bonne pratique.

Retournés vers la mairie suite à cette expulsion, les anciens habitants du Hanul se sont trouvés devant le mur de la bureaucratie froide. La chaleur humaine des contacts précédents avec la municipalité (M. le maire connaît personnellement les expulsés, chez qui il allait comme ami), n'est plus de mise. La mairie a refusé d'ouvrir un local pour accueillir les expulsés, parmi lesquels deux enfants atteints d'un cancer. Saint-Denis et ses élus font beaucoup pour les Rroms! La preuve, les maires de Plaine commune ont fait une conférence de presse le 8 avril dernier, et M. Braouezec, député et président de Plaine commune, a interpellé le gouvernement. Mais surtout, Saint-Denis dispose d'un VILLAGE D'INSERTION! Cela équivaut donc à une carte blanche pour jeter ou laisser dans la rue les Rroms que les gestionnaires de la misère n'ont pas inscrits sur leurs listes sinistres de "matière première prise en charge". La chasse pouvait donc commencer, et elle est bien en route. La police chasse les familles de partout. Posés devant la Basilique de St-Denis avec des tentes jeudi 8 juillet, espérant une réouverture de dialogue avec la mairie, les expulsés ont vu confirmée une fois de plus la position de celle-ci: à la demande de la mairie, une centaine de CRS et autres policiers intervenait vers 23 heures. Ils ont embarqué 24 personnes venues en soutien des expulsés du Hanul:


Selon des militants dyonisiens, c'était la première fois que des arrestations de ce type avaient lieu dans leur ville. L'impressionnante démonstration de force pour réprimer un camp de réfugiés à Saint-Denis n'est pas uniquement liée à l'expulsion du Hanul. Quoi qu'il en soit, voilà un effet de la mise en place de ces camps de réclusion par l'étrange alliance "mairie de gauche - Etat de droite - gestionnaire de la misère humaine". Un effet dont nous nous doutions et que nous avons désormais devant les yeux: l'alternative est réduite: mise en réclusion dans un camp joliment appelé "village d'insertion" dans lequel 75% du budget est affecté au contrôle et à la surveillance, ou bien mise en ligne de mire d'une politique répressive de tous les instants. Même le choix entre ces deux types d'anéantissement de la liberté ne revient aux cibles, puisque ce ne sont pas les Rroms qui décident, mais les gestionnaires des villages d'insertion. Aujourd'hui, ce sont les Rroms roumains et bulgares, pour lesquels la précarité systémique a été bien planifiée et structurée par les décideurs de tous niveaux, toutes couleurs et tous bords. Demain... 


mercredi 6 janvier 2010

Parlez maintenant ou taisez-vous à jamais !



Depuis 2006, des « villages d’insertion pour les Roms » sont mis en place dans des villes de la Seine-Saint-Denis. Y sont placées des familles sélectionnées après une enquête sociale menée par Pact Arim, une association mandatée par la préfecture. Les bénéficiaires, Rroms roumains et bulgares, n’obtiennent aucun titre de travail de la préfecture et ne peuvent donc travailler légalement. Pour ce faire, ils doivent suivre, comme tous leurs concitoyens, la procédure mise en place à la veille de l’entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans l’Union européenne, qui dans les faits rend l’obtention d’un titre de travail quasiment impossible.

Ces derniers jours une information a fait surface depuis le fond opaque où sont développés ces projets pilotés conjointement par la préfecture, des municipalités de gauche, des entreprises et la solidarité bienveillante d’associations dites « humanitaires » qui bouchent les trous  ou forment des judas : 75% du budget de ces villages est consacré au gardiennage et à la surveillance. En effet, des vigiles de sociétés privées sont chargés de garder ces lieux fermés, dont l’accès est interdit à toute personne extérieure, sauf autorisation spéciale délivrée par le gestionnaire.
Ces éléments révèlent que la finalité réelle de ces projets est le contrôle et la surveillance d’une partie des Rroms migrants originaires de Roumanie et de Bulgarie, quand la partie restante, la majorité, est condamnée  à courber l’échine sous la matraque et s’en aller. D’une part les lois  privent des hommes et des femmes, entre autres, de leur droit élémentaire au travail, d’autre part ces projets font croire que la seule manière d’insérer les « hors-la-loi » qu’elle a fabriqués est  de les coincer « dans des villages d’insertion pour Roms ». L’accompagnement social vers l’emploi de personnes qui n’ont pas le droit de travailler relève du camouflage de cette politique d’enfermement et de contrôle menée par les autorités. Cette politique exclut simplement les Rroms qu’elle prétend insérer du champ d’application de la déclaration des droits de l’homme, donc de l’humanité. Que fait la société civile ?
Le collectif Romeurope, rassemblant des associations dites de soutien aux Rroms et financé par la Fondation Abbé Pierre, ne s’est jamais exprimé au sujet de ces projets. Une vingtaine d’associations, pour la plupart membres de ce collectif, dénonçaient fin 2009 l’expulsion de 2200 Rroms de leurs lieux de vie dans la région parisienne. Cependant, aucune mention n’est faite dans le communiqué des « villages d’insertion », par ailleurs présentés comme des alternatives à ces expulsions répétées.
Un article de l’Humanité cite M. Malik Salemkour, vice-président de la Ligue des Droits de l’Homme : « Si encore ces expulsions avaient pour but de mettre ces personnes dans un dispositif pour les prendre en charge… Mais ce n’est pas ça ». Quelques jours plus tard, le 29 décembre, dans un autre article intitulé « Villages d’insertion, un début de solution ? », M. Salemkour s’exprime en ces termes : « Ils sont clairement discutables, autant l’accompagnement social d’insertion par le travail et le logement est une bonne chose, autant il y a lieu de s’interroger sur sa logique ethnique puisque, dans ces villages, il n’y a que des Roms. ». Peut-on rester dans la langue de bois pendant qu’on considère des humains comme de la matière première ? Car « s’interroger » est une chose, répondre à ses questionnements c’en est une autre. Qualifier quelque chose de « discutable » c’est une chose, la discuter réellement c’en est une autre. Pourquoi M. Salemkour, la LDH, Romeurope etc. ne discutent-ils pas ce sujet et ne répondent pas aux questions qu’ils se posent? Qu’est-ce qui les retient ?
La voix des Rroms a demandé par courrier adressé le 29 décembre 2009 à toutes les associations signataires du communiqué susmentionné de prendre une position claire et publique sur les « villages d’insertion », comme La voix des Rroms l’a fait depuis 2007. Sans réponse au 4 janvier, elle a renvoyé un rappel, mais le silence se poursuit.
Dans ces conditions, La voix des Rroms demande à toutes les structures se disant soutenir « les Rroms migrants » : Soit de dire publiquement, clairement et rapidement leur position vis-à-vis des « villages d’insertion », soit de se taire une bonne fois pour toutes et de ne plus « s’indigner » des conséquences d’un traitement qu’elles refusent de dénoncer.

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