Village d'insertion et cochon d'Inde

Ne vous y méprenez pas, ce n'est pas l'origine indienne des Rroms qui explique le titre de ce message. C'est l'origine erronée des cochons d'Inde, qui en fait ne sont pas des cochons. Les villages d'insertion, c'est un peu la même chose: tout comme les cochons d'Inde ne sont ni cochons, ni d'Inde, les villages d'insertion aussi, ne sont ni villages, ni d'insertion. Pourquoi?

1. Sauf pour ceux qui ont voyagé dans des pays en guerre, avez-vous déjà vu des villages entourés de tôle avec un maître chien à l'entrée, qui vous empêche d'y accéder? Eh bien, les "villages d'insertion des Roms", comme leurs gestionnaires les appellent, sont fermés et si vous essayez d'entrer, les premiers êtres que vous y verrez ce sont le gardien et son berger allemand. Et ceux-ci risquent de rester les seuls êtres vivants que vous y verrez, car vous ne pouvez pas y entrer. Même les membres de la famille des habitants ne peuvent y entrer. Ainsi, une grand-mère qui a été placée dans un tel village, doit sortir dans la rue pour voir son petit-fils, qu'il pleuve ou qu'il fasse soleil, et elle ne peut pas lui montrer comment elle fait sa cuisine. Est-ce qu'un village c'est comme ça?

2. Ce sont des "villages d'insertion". Est-ce peut-être pour cette raison qu'on empêche des gens d'y entrer? Au-delà de ça, avez-vous vu des gens s'insérer sans pouvoir travailler? Les Rroms qu'on parque dans ces camps (ils ressemblent en effet plus à des camps qu'à des villages) sont originaires de Roumanie et de Bulgarie. Selon la législation en vigueur, pour pouvoir travailler ils doivent obtenir à la préfecture une autorisation de travail. Les préfectures sont bien partie-prenantes dans ces projets de "villages d'insertion", mais elles ne délivrent pas d'autorisations de travail, sauf dans les conditions drastiques établies par une circulaire de décembre 2006, qui rendent l'obtention de celle-ci quasi impossible.

Les gestionnaires de ces camps ce sont des associations bien téméraires pour tenir le discours qu'elles tiennent. A titre d'exemple, l'un des représentants de "Coup de main" se disait surpris de voir que "les Rroms se comportent comme n'importe quelle population". "Pact Arim", prétend que le fait pour les familles de payer un loyer est un pas vers leur insertion. Vous aurez compris, on responsabilise des irresponsables. Payer un loyer, soit, mais avec quel argent, lorsqu'on ne peut pas travailler légalement? Avec de l'argent gagné par du travail illégal, voire pire. Et tout ça, sous l'oeil vigilant d'un Etat qui stigmatise le travail au noir.

Voilà, en quelques mots, la réalité des "villages d'insertion". Vous choisirez la version des faits qui vous semble correspondre le plus à la réalité. Et si vous voulez dénoncer cette pratique, rejoignez notre campagne sur facebook!



mardi 16 juillet 2013

Saint-Ouen : les vendeurs d’insertion partis, le progrès peut commencer

Le « village d’insertion » de Saint-Ouen avait ouvert ses portes en 2008 pour qu’elles enferment, avec les murs entourant ce terrain de la zone des docks, une réalité qu’on ne saurait montrer au grand jour. Seulement, les vivres étant coupés, le gestionnaire de ce « village » association logement jeunes (ALJ) 93 a cessé son activité. Pas grand monde pour pleurer sur cela, tant ces cinq ans ont été un véritable test à la flexibilité de l’échine des « pris en charge », soit 19 familles. Au bout de cinq ans donc, avec des financements conséquents dont 75% sont alloués à la surveillance et au gardiennage (dans les prisons, ce poste budgétaire représente environ 37% seulement du budget), la matière première que sont les Rroms est abandonnée est invitée à quitter les lieux. Le comité de pilotage avait prévenu à plusieurs reprises depuis la fin 2012 de cette fermeture.
Le bilan laisse songeur : 4 familles seulement sur 19 ont pu trouver une vie autonome. Quatre autres ont été transférées dans le « village d’insertion » d’Aubervilliers, géré lui aussi par la même ALJ 93. Quatre autres ont été virées pendant le projet, pour des raisons que nous ne connaissons pas de manière précise, mais dont on peut supposer qu’elles aient eu un lien avec le respect des règles drastiques de ce centre fermé (on ne pouvait pas y recevoir de la visite p. ex., y compris de sa famille proche). Enfin, sept familles devaient avoir quitté les lieux jusqu’à ce mardi 16 juillet, sous la menace d’une intervention de la police pour les déloger.

Des membres des associations La voix des Rroms, Rromeurope et Terne Roma se sont rendus sur place depuis hier et certains y sont restés jusqu’à aujourd’hui après-midi. La demande de Mme. Marie-Louise Mouket de virer le président de La voix des Rroms n’a pas été exécutée par le gardien, employé d’une entreprise privée qui a répondu clairement qu’il ne gardait pas une prison et que les habitants pouvaient recevoir les personnes qu’ils voulaient. Sans doute Mme. Mouket se croyait-elle avec les vigiles employés par l’ALJ, qui exécutaient à la lettre les règles drastiques de ce centre fermé comme les ordres du pouvoir hiérarchique qu’elle avait sur eux. Les agents de la police municipale arrivés quelques minutes plus tard, apparemment à sa demande, n’ont pas fait plus qu’annoncer une énième fois l’expulsion du lendemain. Raté ça aussi, car en tant que policiers municipaux ils ne peuvent intervenir que pour des infractions au code de la route ou aux arrêtés municipaux. Aujourd’hui, une autre patrouille est repassée pour constater avec surprise que la police nationale n’était pas intervenue non plus pour expulser les occupants. Mme. Mouket avit reçu aussi deux représentants de la ville en fin de matinée, dont le directeur général adjoint M. Mario Salvi, sans qu’il y ait de discussion avec les occupants, quelque peu en colère de cette pression.


Cet après-midi, M. Mario Salvi est revenu en compagnie de M. Attal, lui aussi employé de la ville, pour constater encore une fois la détermination des habitants dont les rapports des « spécialistes de l’insertion » de l’ALJ disent qu’ils n’ont « pas répondu aux critères de volonté d’intégration ». Pourtant, tous les enfants, scolarisés, parlent un français parfait, et une majorité d’adultes ont une maîtrise satisfaisante de cette langue. Beaucoup ont déjà des autorisations provisoires de séjour, certains ont des contrats de travail (dont un CDI, cette vieille chose qu’on ne voit plus souvent), et deux ont créé des petites entreprises. L’un d’entre eux a déclaré aux représentants de la ville qu’il s’était vu déchirer le K-bis par les « accompagnateurs » qui le « prenaient en charge », sous prétexte que cela n’était « pas intéressant » pour lui. Et des exemples similaires de bon « accompagnement » il y en a eu d’autres. Il ressortait de ces échanges que si la réussite du projet n’est pas au rendez-vous, ce n’est certainement pas faute d’efforts des « accompagnés », mais plutôt faute de volonté réelle de l’ « accompagnant ». Quoi qu’il en soit, les représentants des associations Rromeurope et La voix des Rroms ont exprimé leur souhait de remettre tout à plat et de partir sur de nouvelles bases pour que ces 7 familles réussissent leur parcours. Si l’objectif est partagé par la ville de Saint-Ouen, elle demande que l’Etat soit impliqué dans cette démarche. Logique, et pas exclusif de l’implication de la ville aussi. Il est vrai, cinq ans sont passés sans grand résultat, mais ce n’est pas une surprise. C’est la méthode qu’il faut changer, et fondamentalement. Ces familles ne doivent plus être considérées comme des objets d’une action sociale, mais comme des actrices de leur propre vie, de leur propre progrès. En un mot, se prendre en charge pleinement dans la mesure de leurs moyens, qui ne doivent pas être étouffés, mais étoffés par les efforts de la ville, de l’Etat et de tous ceux qui le peuvent. Le propriétaire du terrain (la société Sequano) aurait entamé une procédure en justice pour obtenir l’expulsion des familles, selon les représentants de la ville de Saint-Ouen. Procédure que les habitants devraient affronter et dans laquelle nous les appuierons dans toute la mesure du possible. Reste cependant que si une expulsion devait avoir lieu, la ville ou l’Etat devraient mettre à disposition d’autres terrains ou immeubles pour loger ces familles et dans tous les cas, un vrai travail commun et basé sur le respect de tous. Les vendeurs d’insertion partis, le progrès peut désormais commencer. La balle est revenue dans le camps des autorités. 

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